Rapport Daubresse-Cosson : un choc fiscal pour soutenir le statut du bailleur privé

Un rapport parlementaire ô combien attendu, remis à Valérie Létard, ministre du Logement, le 30 juin 2025, propose un ensemble de mesures fiscales puissantes pour revitaliser l’investissement locatif privé. Co-piloté par Marc‑Philippe Daubresse (sénateur LR du Nord) et Mickaël Cosson (député MoDem des Côtes‑d’Armor), ce rapport vise à encourager l’offre de logements durables et abordables en France, tout en améliorant la situation budgétaire du pays.
Pour tout professionnel de l’immobilier, il est primordial d’appréhender l’ensemble des propositions qui seront susceptibles d’être reprises dans le projet de loi de finances pour 2026 en préparation.
A noter également qu’une proposition de loi déposée le 1er avril par Charles de Courson qui a pour objectif la création d’un cadre juridique stable et incitatif pour les bailleurs privés a été renvoyée à la commission des finances pour examen. Plusieurs propositions de ce rapport se télescopent avec certaines dispositions de cette proposition de loi : l’instauration d’un régime fiscal universel en vue de rendre l’investissement locatif plus attractif et lisible pour les propriétaires, mais aussi l’établissement de mesures pour sécuriser les relations locatives, notamment en facilitant la gestion des impayés et en encadrant les visites de contrôle du logement.
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Contexte du rapport Daubresse-Cosson : un marché locatif en crise
Effondrement de la construction et des investissements
Le nombre de logements neufs a atteint son plus bas niveau depuis les années 1950 en 2024, avec seulement 284 800 mises en chantier, soit −30 % comparé à la période pré‑Covid 19
L’investissement locatif privé dans le neuf a chuté de 41 % au premier trimestre 2025, soit un volume historiquement bas (≈ 2 448 réservations)
Le marché de l’ancien n’est pas épargné : en 2024, 845 000 transactions ont été enregistrées, soit le niveau le plus faible depuis 2015.
Qui sont les bailleurs privés ?
Ils représentent 99 % du parc locatif privé, logent 25 % des ménages et 58 % des locataires.
70 % de ces propriétaires ne détiennent qu’un seul logement et y voient souvent un complément de retraite plutôt qu’un business.
Leur revenu marginal moyen s’élève autour de 20 %, ce qui montre que ces investissements ne visent pas uniquement les foyers aisés.
Obstacles à l’investissement longue durée
Le rapport souligne divers freins auxquels font face les bailleurs :
- Encadrement des loyers et révision limitée entre locataires.
- Contraintes réglementaires : rénovation énergétique, nouvelles normes (RE2020).
- Hausse des impayés : ils sont passés à 4 % en 2025, contre 1,25 % en 2019
- Taxe foncière en hausse et disparition progressive du dispositif Pinel.
- Fiscalité appliquée à la location nue jugée peu compétitive face aux locations meublées ou de courte durée
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Cinq mesures fiscales structurantes du rapport Daubresse-Cosson (à compter de décembre 2025)
Les auteurs du rapport présentent un véritable plan de sauvetage fiscal, axé sur cinq mesures clés :
2.1. Amortissement fiscal élargi + abattement micro‑foncier sous conditions
Amortissement forfaitaire de 5 % par an pour le neuf, 4 % pour l’ancien (sous réserve de 15 % de travaux), applicable sur 80 % de la valeur du bien
Pour le micro‑foncier, l’abattement passe de 30 % à 50 %, avec un plafond rehaussé à 30 000 € (au lieu de 15 000 € aujourd’hui)
2.2. Bonus pour loyers abordables
Pour encourager des loyers modérés :
- Régime réel : bonus de 0,5 % à 1,5 % d’amortissement supplémentaire selon le niveau de loyer (intermédiaire, social, très social).
- Micro‑foncier : bonus d’abattement de 5 % à 15 %
Ce bonus vise à inciter les propriétaires à offrir une offre locative plus abordable.
2.3. Plafond d’imputation du déficit foncier porté à 40 000 €
Le plafond actuel de 10 700 € (inchangé depuis 25 ans) serait relevé pour ajuster le dispositif aux réalités économiques actuelles
2.4. Exclusion de l’IFI
Les biens loués en longue durée (nue ou meublée) seraient exclus de l’assiette de l’Impôt sur la Fortune Immobilière, reconnaissant ainsi la vocation économique des bailleurs.
2.5. Harmonisation de la durée de détention pour la plus‑value
L’exonération fiscale (IR + prélèvements sociaux) interviendrait après 20 ans de détention, alignée sur la durée d’amortissement.
A noter : ces mesures s’appliqueraient uniquement aux logements acquis ou mutés à partir de décembre 2025, afin d’éviter les effets d’aubaine.
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Impact attendu du rapport Daubresse-Cosson : logements, emploi, finances publiques
Objectifs de construction
La mission estime que ces mesures pourraient générer 90 000 logements locatifs supplémentaires par an d’ici 2030 (≈ 40 000 neufs, 30 000 anciens rénovés, 20 000 indirectement liés).
Effet sur les comptes publics
Prévisions de recettes supplémentaires : + 0,5 Md€ dès 2026, puis + 1,9 Md€ par an en moyenne de 2026 à 2032.
Ces gains proviennent essentiellement de la hausse de la TVA sur le neuf et des droits de mutation
Emplois créés
Le secteur du bâtiment pourrait voir la création de 100 000 emplois d’ici 2030, avec des recettes sociales de l’ordre de 1 Md€
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Mesures annexes du rapport Daubresse-Cosson : fiabilité, charges, encadrement
Outre la réforme fiscale, le rapport propose des pistes complémentaires :
Actualisation du décret « charges récupérables »
Objectif : clarifier et ajuster les règles concernant les coûts supportés par les locataires.
Sécurisation de la location longue durée
Rappel du rapport de Mickaël Nogal (2019) « Louer en confiance » : suggestion de dépôts de garantie sous séquestre.
Autres pistes : stabiliser les baux longue durée, encadrer les congés pour vente (inspiré du droit allemand), réguler les expulsions.
Évaluation de l’encadrement des loyers
Une mission est en cours (expérimentation jusqu’au 24 novembre 2026) pour tirer les leçons de cette politique.
Réflexions plus larges
Propositions de Philippe Pelletier (ANAH) : supprimer les congés sans cause, assurer le relogement en cas d’expulsion, et déléguer la régulation des loyers à une commission nationale.
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Réactions du secteur suite au rapport Daubress-Cosson : un accueil favorable
Le Monde souligne que les bailleurs, le secteur du bâtiment et les promoteurs ont accueilli favorablement ce choc fiscal.
Batiactu indique que les acteurs parlent même de « victoire idéologique » et d’« avancée majeure », avec un consensus général sur l’urgence d’agir
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Enjeux politiques et calendrier
Timing des arbitrages
Les interlocuteurs sont dans la phase ultime : arbitrages prévus cet été, avant les discussions sur le projet de loi de finances 2026 (PLF 2026) .
Si validées, les mesures pourraient entrer en vigueur dès décembre 2025, avec décrets d’application attendus avant fin 2025.
Enjeux budgétaires
Bercy cherche à réaliser des économies de 40 milliards d’euros, ce qui pourrait influencer la portée finale des nouvelles mesures
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Quelle stratégie pour les investisseurs ?
Les auteurs du rapport appellent à la prudence stratégique :
- Ne pas entrer prématurément sur le marché avant la publication des textes juridiques.
- Repérer dès maintenant les villes porteuses selon leurs dynamiques locatives.
- Préparer des dossiers solides pour accélérer dès la publication des décrets.
Conclusion
Le rapport Daubresse‑Cosson, remis le 30 juin 2025, aspire à transformer radicalement la fiscalité de l’investissement locatif privé. Grâce à des mesures fiscales ciblées — amortissement, bonus sociaux, déficit foncier, IFI, plus‑value — il propose de rebâtir l’attrait du marché locatif.
Si elles sont adoptées dès la loi de finances 2026, ces mesures pourraient générer 90 000 logements par an, créer 100 000 emplois et contribuer à réduire le déficit d’environ 1,9 Md€ par an, sans oublier l’impact indirect sur l’accès au logement et la lutte contre la crise actuelle.
Ce rapport marque un tournant pour le « statut du bailleur privé », qui pourrait enfin devenir un cadre fiscal stable, simple et incitatif après des années de dispositifs ponctuels ou dégressifs. Reste à surveiller l’adoption des textes, leur contenu final et les décrets d’application. D’ici là, investisseurs et acteurs du logement scrutent attentivement les prochaines étapes…
À retenir en bref
Objet | Impact |
Amortissement (5 % neuf, 4 % ancien) | Déficits fiscaux, moindre impôt, soutien au cash‑flow |
Abattement micro‑foncier 50 % | Simplification + attractivité |
Bonus loyers modérés | Incitation sociale |
Plafond déficit foncier 40 000 € | Plus de marges pour rénover |
Exclusion IFI | Reconnaissance du bailleur comme acteur |
Exonération plus‑value après 20 ans | Encouragement à la détention longue |
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