Nouvelle version de l’ANR de blanchiment d’argent dans le secteur immobilier : menaces et vulnérabilités
Le COLB (Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme) a adopté une nouvelle version de l’analyse nationale des risques (ANR) de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, qui prend en compte les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) et qui a bénéficié des apports des professionnels de tous les secteurs d’activité assujettis à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT), et notamment des agents immobiliers.
Le rapport complet est disponible ici.
Que faut-il en retenir pour le secteur de l’ immobilier ?
Contexte du secteur immobilier dans la lutte anti-blanchiment
Le secteur immobilier en France représente environ 11% du PIB et compte près de 2,3 millions d’emplois. Il comprend les activités d’achat, de vente, de syndic et de location immobilières pour les biens résidentiels, commerciaux et d’entreprises. Le secteur reste dynamique malgré une période de contraction liée à la crise sanitaire. Les acquisitions sont en hausse avec une pression à la hausse des prix, en particulier dans les segments du marché immobilier parisien et l’immobilier de prestige dans les régions à fort potentiel touristique. Dans le reste de la France, les prix des logements anciens augmentent. En 2023, on ressent un ralentissement du volume des ventes et une légère baisse des prix dans certaines zones géographiques due à une montée des taux d’intérêt notamment.
Rappel des critères d’alerte LAB-FT en immobilier
- profil de client : secteur caractérisé par une forte circulation d’espèces (BTP, restauration, téléphonie, etc.) et dont les revenus déclarés sont peu importants en proportion de leur apport personnel ; discordance entre le profil (jeune âge, revenus et milieu social) et la valeur du bien immobilier ; clients étrangers aux revenus importants (notamment les PPE) ; acquéreurs et vendeurs entretenant des liens familiaux ou personnels ;
- caractéristiques de l’opération : rapidité des opérations immobilières sur un même bien ; annulations subites d’achats immobiliers entraînant une restitution des sommes versées comme frais de réservation auprès du professionnel ; incohérence entre le montant de la transaction et le prix du marché ; origine des fonds (prêt entre particuliers ou fonds en provenance d’un pays à faible législation de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme).
Ces critères d’alerte sont examinés dans le détail lors de notre formation TRACFIN immobilier. Nous pouvons vous aider à mettre en place l’ensemble des procédures internes (grille d’évaluation des risques et de notation, livret de procédure interne…).
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Exposition à la menace et description des scénarios d’utilisation à des fins de BC-FT dans l’immobilier
Le secteur immobilier est sujet à des menaces de blanchiment d’argent, à la fois pour des fins personnelles et professionnelles. Les groupes criminels organisés peuvent utiliser l’immobilier comme moyen actif de blanchiment, notamment via des crédits immobiliers frauduleux. Les infractions sous-jacentes qui peuvent donner lieu à du blanchiment de capitaux dans ce secteur incluent les trafics de stupéfiants, la contrebande, la traite humaine, la prostitution, la corruption et les fraudes fiscales. Les autorités publiques ont identifié des menaces spécifiques au secteur, telles que l’escroquerie, la fraude fiscale et les acquisitions immobilières issues de détournement de fonds publics. Le niveau de menace de blanchiment d’argent dans le secteur immobilier est considéré comme élevé.
les activités d’acquisition et de vente immobilières sont moins exposées à la menace de financement du terrorisme en raison du caractère peu liquide des investissements et de l’absence d’anonymat. Cependant, les services de renseignement ont constaté une augmentation des signalements concernant les personnes pouvant potentiellement troubler l’ordre public en investissant dans le secteur immobilier. Les associations cultuelles ou sectaires acquièrent des biens immobiliers pour exercer leurs activités, et elles constituent un point d’attention en raison de la diversité de leur mode de financement et de la complexité de leur organigramme. Pour les activités de location immobilières, la menace de financement du terrorisme n’est pas juridiquement pertinente, mais la location immobilière peut être utilisée pour faciliter la commission d’attentats terroristes, ce qui justifie leur assujettissement. Enfin, le niveau de menace de blanchiment de capitaux sur le secteur de l’immobilier est considéré comme élevé, mais les activités d’acquisition, de vente et de location immobilières n’ont pas fait l’objet d’une cotation spécifique en matière de menace de financement du terrorisme.
Vulnérabilités du secteur immobilier par rapport au blanchiment d’argent
Le secteur immobilier est fortement réglementé pour lutter contre le blanchiment d’argent. Les transactions doivent être effectuées par virement bancaire au-delà d’un seuil de 3 000 euros auprès d’un notaire et les paiements en espèces sont limités à 1 000 euros. Les professionnels de l’immobilier sont soumis à des obligations de LCB-FT et sont contrôlés par les autorités compétentes. La formation obligatoire et la publication de lignes directrices conjointes sont mises en place pour renforcer la connaissance des professionnels des risques et des obligations. Les professionnels ont accès au registre des bénéficiaires effectifs pour identifier les personnes physiques qui contrôlent les entités juridiques. Les divergences entre les informations inscrites au registre et celles dont les personnes disposent doivent être signalées au greffe du tribunal de commerce.
Le rapport rappelle le contrôle régulier effectué par la DGCCRF sur les professionnels de l’immobilier pour s’assurer qu’ils respectent les obligations de la loi Hoguet. Les enquêtes vérifient que les dirigeants d’agences immobilières et les mandataires immobiliers possèdent la carte professionnelle et que les collaborateurs ont l’autorisation de la personne titulaire de la carte. Les notaires sont également impliqués dans les activités d’acquisition immobilière et ont accès au registre national de la propriété foncière, ce qui leur permet de repérer certaines typologies de blanchiment d’argent. Les notaires sont soumis à des obligations de LCB-FT et transmettent des déclarations de soupçon à Tracfin. Les avocats sont également impliqués dans les transactions immobilières et doivent être vigilants en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ils sont tenus de déposer les fonds de leurs clients sur des comptes dédiés ouverts et contrôlés par la Caisse des dépôts et consignations, qui est soumise à la réglementation LCB-FT. Enfin, la CARPA joue un rôle important dans la lutte contre le blanchiment d’argent en contrôlant tous les flux financiers des avocats.
En prenant en compte l’ensemble des mesures d’atténuation adoptées par les pouvoirs publics, la vulnérabilité résiduelle du secteur est estimée à un niveau élevé.
Les activités d’acquisition immobilière sont exposées à une menace importante en termes de blanchiment de capitaux, mais les vulnérabilités intrinsèques très élevées sont atténuées par les pouvoirs publics et la mise en place des mesures déployées par certaines professions. Elles présentent en conséquence un risque de blanchiment de capitaux élevé. Certaines transactions, principalement celles portant sur des biens de luxe localisés dans le centre de Paris, sur la Côte d’Azur ou en outre-mer, peuvent toutefois présenter des risques plus élevés.