Etude géotechnique et terrain argileux : tout savoir et tout comprendre en 6 questions
L’étude géotechnique préalable et l’étude géotechnique de conception sont enfin opérationnelles !
Afin de lutter contre les risques liés au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, la loi ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 a introduit un ensemble de règles dans les articles L. 112-20 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (lire également notre article : La loi ELAN et la vente immobilière) .
L’article 8 de l’ordonnance 2020-71 du 29 janvier 2020 déplace les règles dans les articles L. 132-4 et suivants du Code de la construction et de l’habitation. La nouvelle codification entrera en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’état, et au plus tard le 1er juillet 2021
Les obligations légales ont été complétées par un décret n° 2019-495 du 22 mai 2019 dont les dispositions sont codifiées aux articles R. 112-5 et suivants du Code de la construction et de l’habitation.
On a également eu le décret n° 2019-1123 du 25 novembre 2019 relatif aux techniques particulières de construction qui devront parfois être mises en œuvre (art. R.112-10, CCH ; relativement à cette règle, un arrêté d’application du 22 juillet définit les techniques de construction permettant d’atteindre les objectifs visés).
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1.Etude géotechnique et rappel du contexte de la loi ELAN
Les travaux parlementaires de la loi ELAN ont rappelé plusieurs points importants :
– Les sinistres liés à la sécheresse représentent 38 % des coûts du dispositif d’indemnisation des catastrophes naturelles et le premier poste d’indemnisation au titre de l’assurance dommage-ouvrage, pour les sinistres touchant les maisons individuelles.
– L’étude climat réalisée par la fédération française de l’assurance fin 2015 estime que le coût cumulé du péril sécheresse devrait presque tripler, passant de 8 milliards d’euros pour la période 1988-2013 à 21 milliards d’euros pour la période 2014-2039.
– La cause principale des sinistres est le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, qui affecte l’intégrité des bâtiments, suite à des épisodes de sécheresse suivis d’épisodes pluvieux. Ce problème touche plus particulièrement les maisons individuelles, qui disposent souvent de fondations plus légères que les bâtiments collectifs, et dont les maîtres d’ouvrages sont souvent des particuliers et non des professionnels de la construction.
– Selon la fédération française de l’assurance, 20 000 à 30 000 maisons individuelles sont construites chaque année sur des zones argileuses sans fondations adaptées. Or, en 2015, seuls 9 % des dossiers (188 dossiers sur 1987) relatifs à la sécheresse ont pu bénéficier d’une reconnaissance catastrophe naturelle. En conséquence, de nombreux sinistres ne sont pas indemnisés, alors que les travaux de réparation peuvent être très complexes et coûteux.
– Le commissariat général du développement durable estime que les coûts moyens d’indemnisation d’un sinistre retrait-gonflement sont de l’ordre de 13 000 € par maison, mais dans de nombreux cas, il est nécessaire de procéder à des reprises en sous-oeuvre, ce qui entraîne des coûts d’intervention qui atteignent plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Selon le site gouvernemental georisques, au cours de l’été 2018, près de 5 200 communes ont demandé une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle du fait du retrait-gonflement des argiles, ce qui représente plusieurs dizaines de milliers d’habitations sinistrées.
La loi ELAN a ainsi créé une obligation de réaliser une étude géotechnique du terrain à la charge du propriétaire vendeur ou constructeur d’un terrain situé dans une zone à risques. Certains auteurs ont fait remarqué que le risque “argileux” était déjà mentionné dans l’état des risques et pollution comme risques naturels, qui fait partie des diagnostics obligatoirement annexé à toute promesse ou acte de vente.
2.Etude géotechnique : quelles obligations pour les propriétaires ?
Lorsque le terrain se situe dans une zone à risque (voir ci-dessous cartographie), plusieurs types d’obligations coexistent :
- Vente de terrain : les dispositions du code de la construction et de l’habitation visent à imposer aux vendeurs de certains terrains non bâtis constructibles la fourniture d’une étude géotechnique préalable aux acquéreurs. Cela ne s’applique pas aux terrains qui ne permettent pas la construction de maison individuelle. L’approche est objective, peu importe le souhait de l’acquéreur. Cette étude devient un accessoire du titre de propriété de l’immeuble. Cette étude sera annexée à toutes les futures mutations successives, même si le terrain est devenu un terrain bâti.
- Contrat de construction : une obligation similaire existe également lors de la conclusion de contrats ayant pour objet des travaux de construction ou la maîtrise d’œuvre d’un ou de plusieurs immeubles à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements. Le maître de l’ouvrage transmet alors l’étude géotechnique préalable au constructeur. Si aucune étude préalable n’a été annexée à la vente (hypothèse d’une vente antérieure au 16 août), il peut réaliser l’étude préalable ou une étude géotechnique de conception prenant en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment.
- Cession d’un terrain bâti : l’étude géotechnique préalable ou l’étude géotechnique de conception qui ont été réalisées pour la construction de l’immeuble devront toutes les deux être annexées à toutes les mutations successives du bien. Cela ne concerne pas les maisons bâties avant l’entrée en vigueur du dispositif (lire plus bas).
3.Etude géotechnique : quelles obligations pour les constructeurs ?
Deux types d’obligations :
– Contrat de construction : Les contrats de construction définis à la précédente question précisent que les constructeurs ont reçu un exemplaire de l’étude géotechnique fournie par le maître d’ouvrage et, le cas échéant, que les travaux qu’ils s’engagent à réaliser ou pour lesquels ils s’engagent à assurer la maîtrise d’œuvre intègrent les mesures rendues nécessaires par le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols.
– Techniques de construction : des techniques particulières de construction sont parfois imposées lorsque la construction est située dans une zone à risque et que la construction concerne deux logements au plus, elles ont été décrites par arrêté du 22 juillet 2020.
Ces techniques de construction ont pour objectifs :
- Limiter les déformations de l’ouvrage sous l’effet des mouvements différentiels du terrain ;
- Limiter les variations de teneur en eau du terrain à proximité de l’ouvrage ;
- Limiter les échanges thermiques entre l’ouvrage et le terrain adjacent.
Voici une synthèse des mesures techniques :
1- Les bâtiments en maçonnerie ou en béton sont construits avec une structure rigide ;
2 – Pour tous les bâtiments, les déformations des ouvrages sont limitées par la mise en place de fondations renforcées :
– en béton armé ;
– suffisamment profondes, « soit a minima 1,20 m en zone d’exposition forte, ou de 0,80 m en zone d’exposition moyenne, sauf si un sol dur non argileux est présent avant d’atteindre ces profondeurs » ;
– ancrées de manière homogène, coulées en continu et désolidarisées des fondations d’une construction mitoyenne ;
Des techniques sont également préconisées pour réduire les variations de teneur en eau du terrain à proximité de l’ouvrage.
Le constructeur de l’ouvrage est tenu :
– Soit de suivre les recommandations d’une étude géotechnique fournie par le maître d’ouvrage ou que le constructeur fait réaliser par accord avec le maître d’ouvrage, qui prend en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment (étude de conception);
– Soit de respecter des techniques particulières de construction définies ci-dessus.
Si l’étude géotechnique indique l’absence de risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols, le constructeur n’est pas tenu par cette obligation.
4.Etude géotechnique préalable et étude géotechnique de conception : quel contenu ?
Cette étude de sol doit permettre de détecter tous les risques de mouvement de terrain liés à la sécheresse et réhydratation des sols, c’est-à-dire ceux liés au retrait et gonflement des argiles.
Deux types d’étude géotechnique coexistent :
– L’étude géotechnique préalable : c’est le vendeur du terrain qui doit la fournir à l’acquéreur. Si l’acquéreur fait construire un immeuble de deux logement au plus, il doit la transmettre au constructeur. Lorsque le contrat de vente du terrain ne comporte pas en annexe une telle étude (contrat de vente antérieur au 16 août 2020), c’est au maître d’ouvrage de l’établir.
L’arrêté du 22 juillet 2020 a définie son contenu : l’étude doit ainsi fournir un modèle géologique préliminaire et les principales caractéristiques géotechniques du site ainsi que les principes généraux de construction pour se prémunir du risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Cette étude préalable comporte une enquête documentaire. Elle prend en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment. Une étude géotechnique préalable de type G1 est présumée conforme.
La durée de validité de l’étude géotechnique préalable est de trente ans si aucun remaniement du sol n’a été effectué depuis sa réalisation.
– L’étude géotechnique dite de conception : elle prend en compte l’implantation et les caractéristiques du bâtiment. Elle a pour objet de fixer les prescriptions constructives adaptées à la nature du sol et au projet de construction, en tenant compte des recommandations énoncées lors de l’étude géotechnique préalable. Une étude géotechnique de conception de type G2 est présumée conforme.
Seule la première étude est à fournir lors de la cession du terrain. La seconde étude est facultative et peut être réalisée par celui qui fait construire. Si elle est réalisée, le constructeur n’a pas le choix et doit suivre les recommandations. Sinon, le constructeur est simplement tenu de respecter des techniques particulières de construction dont les objectifs ont été déterminés par l’article R. 112-10 du CCH.
L’étude géotechnique de conception n’est valable que pour le projet en vue duquel elle a été réalisée (art. R.112-8, CCH). Elle a donc une durée limitée.
5.Etude géotechnique : où s’applique le dispositif ?
Le terrain doit être situé dans une zone considérée comme exposée au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols dont l’exposition à ce phénomène est identifiée comme moyenne ou forte.
L’exposition des formations argileuses au phénomène de retrait-gonflement est évaluée en prenant en compte les critères suivants : la nature lithologique des matériaux, la composition minéralogique de la phase argileuse, le comportement géotechnique du matériau et l’étendue de son domaine plastique, de sa capacité d’adsorption et de l’importance des variations de volume tant en retrait (assèchement) qu’en gonflement (humidification).
La carte a été publiée au JO du 15 août (modificatif à l’arrêté du 22 juillet 2020) : seules les zones en rouge et orange sont concernées
6.Etude géotechnique et entrée en vigueur du dispositif
Les principales obligations sont entrées en vigueur le 1er octobre 2020 (et non à compter du 1er janvier 2020 comme prévu initialement par le décret ou le 10 août comme les premiers commentateurs l’ont annoncé). Les arrêtés d’application publiés en juillet 2020 mentionnent par erreur une entrée en vigueur au 1er janvier 2020 dans leur notice descriptive mais on ne voit pas comment on aurait pu appliquer un texte à des contrats conclus antérieurement sans connaître précisément le contenu de l’étude géotechnique et le champ d’application territorial. La carte définitive des risques est paru au JO du 15 août par une modification de l’arrêté du 22 juillet 2020 qui renvoyait uniquement au site georisques.
Deux arrêtés ont été adoptés le 24 septembre et publiés au “Journal officiel” du 30 septembre. Ils rectifient le premier (contenu des études de sol) et le troisième (techniques particulières de construction) et précisent que leurs dispositions sont applicables aux contrats de vente et aux contrats de construction conclus à compter du 1er octobre 2020.
Ce sont donc toutes les promesses de vente (et à défaut les actes de vente) conclus à compter du 1er octobre 2020 qui sont concernés. Hypothèse d’un compromis conclu antérieurement au 1er octobre : selon plusieurs commentateurs, le compromis valant consentement définitif du vendeur et de l’acquéreur, le vendeur n’a pas légalement à fournir l’étude géotechnique au moment de l’acte authentique puisque ses obligations sont définitivement fixées au moment où il a consenti. Les contrats de construction de maison individuelle conclus après le 1er octobre 2020 sont également concernés.
Textes d’application de la loi ELAN :
Décret n°2009-495 du 22 mai 2019
Arrêté du 22 juillet 2020 définissant le contenu des études géotechniques, JO 6 août 2020