Eclairage sur quelques sanctions de la CNS à l’encontre des agents immobiliers en matière de lutte anti-blanchiment
L’immobilier est un choix privilégié pour le transfert d’argent et pour dissimuler des fonds d’origine illégale et des revenus illicites. Le secteur de l’immobilier représente 11% du PIB en 2021, soit 266,9 milliards d’euros de valeur ajoutée.
C’est pourquoi a été mis en place un système de contrôle et de sanction depuis 2009 placé sous la responsabilité de la commission nationale des sanctions.
Notre formation programmée le 20 octobre traitera de ces dernières condamnations et vous révèlera les outils nécessaires à mettre en place pour répondre à vos obligations légales et sécuriser votre activité : en savoir plus
Les dernières sanctions viennent d’être publiées à la demande de la CNS, nous souhaitions partager avec vous quelques cas qui viennent d’être révélés :
I / Interdiction temporaire d’exercer – blâme – publication de la sanction – amende
« L’information, identification, formation et la mise en place d’un système de gestion des risques »
Par décision du 17 juin 2021, la CNS a prononcé une interdiction temporaire d’exercer l’activité d’agence immobilière pour une durée de quatre mois avec sursis ainsi qu’une sanction pécuniaire de 4 000 euros, à l’encontre d’une société exploitant une agence immobilière en Maine et Loire, un blâme ainsi qu’une sanction pécuniaire de 2000 euros à l’encontre de son gérant.
Elle a également décidé la publication de ces sanctions aux frais de la société, pour ne pas avoir respecté les obligations suivantes lui incombant en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme prévues par le code monétaire et financier :
– l’obligation de mise en place de systèmes d’évaluation et de gestion des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme (article L.561-4-1 et L561- 32 du code monétaire et financier) ;
– l’obligation d’identifier et de vérifier l’identité des clients et des bénéficiaires effectifs (article L.561-5 et R561-5 à R.561-11 du code monétaire et financier) ;
– l’obligation de recueillir les informations relatives à la connaissance du client, à l’objet et à la nature de la relation d’affaires (articles L. 561-5-1, L. 561-6 et R. 561- 12 du code monétaire et financier) ;
– l’obligation d’assurer l’information régulière du personnel et de mettre en place toute action de formation utile (article L. 561-34 du code monétaire et financier). »
II/ Avertissement :
« De l’importance d’une cartographie des risques propre à chaque agence »
Par une décision du 11 avril 2022, considérant que M. Y en sa qualité de gérant, était responsable de la mise en œuvre par la société du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
L’agence a fait l’objet d’un contrôle portant sur sa cartographie des risques. Celle-ci s’est avérée incomplète puisque ne comportait pas de classification des risques propres à l’entreprise au regard des critères légaux et de ceux retenus par le dirigeant. Aussi, il n’apparaissait pas dans le document fourni à la Commission d’une part d’évaluation et de classification des risques propres à l’agence (tels que la nationalité des clients, leur résidence, le mode de financement de l’opération) et d’autre part des actions correspondantes à chaque risque accompagné d’un scoring.
La CNS a décidé de prononcer un avertissement à l’encontre de la SOCIETE X et de M. Y.
III/ Interdiction temporaire d’exercer – publication de la sanction – sanction pécuniaire – avertissement – obligation de mettre en place un système personnalisé de vigilance – obligation d’information et de formation
« Les documents d’un syndicat professionnel ne suffisent pas
pour être conforme aux exigences légales »
Il ressort que l’agence ne dispose pas de document écrit retraçant l’approche par les risques tel qu’imposé par les articles du code monétaire et financier mais qu’elle se souvient d’avoir reçu du SNPI un document qui devait être le protocole interne de mise en œuvre des obligations LCB-FT mais elle ne le retrouvait pas.
La CNS considère que le document de la SNPI et les fiches ne sont ni personnalisés ni adaptés aux transactions immobilières effectuées par la société.
Concernant, l’identité et l’origine des fonds il ressort que la recherche du bénéficiaire effectif n’était pas réalisée de manière systématique et d’autre part que deux dossiers (Dossier D et dossier E) ne comportaient pas d’éléments suffisant à l’identification d’un client personne physique.
Sur le suivi d’une formation spécifique, la gérante a déclaré lors du contrôle avoir suivi une formation de 14 heures par le SNPI mais n’a pu justifier qu’une formation générale sur la mise à jour des lois ALUR et MACRON d’une durée de 7h qui comprend une partie intitulée « blanchiment et recel ». La CNS retient qu’il ressort du contrôle que le personnel de l’agence n’avait pas suivi de formation adaptée et ne disposait pas d’information régulière en matière de LCB-FT
La CNS prononce ainsi une sanction lourde à l’encontre de la structure et de sa gérante : interdiction temporaire d’exercer l’activité d’agence immobilière pour une durée de deux mois avec sursis à l’encontre de la SOCIETE X, une sanction pécuniaire d’un montant de 2000 euros à l’encontre de la SOCIETE X, un avertissement à l’encontre de Mme Y et une sanction pécuniaire d’un montant de 500 euros à l’encontre de Mme Y.
La publication de la sanction sur le site de la Commission nationale des sanctions, l’obligation de mise en place de systèmes d’évaluation et de gestion des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme (articles L.561-4-1 et L.561-32 du code monétaire et financier) ; – l’obligation d’identification et de vérification de l’identité des clients et bénéficiaires effectifs (articles L. 561-5, R. 561-5 à R. 561-11 du code monétaire et financier) ; – l’obligation d’informer régulièrement le personnel et de la mise en place de toute action de formation utile (article L.561-34 du code monétaire et financier). »
IV/ Interdiction temporaire d’exercer de la structure et du gérant – sanction pécuniaire – publication des sanctions – obligation de mettre en place un système de vigilance – information régulière du personnel et formation – identification client
« Les intermédiaires immobiliers ne sont pas exonérés de la vigilance du fait de la participation d’autres professionnels dans les opérations immobilières »
Lors d’une procédure de contrôle le gérant a répondu à plusieurs observations.
- « pour la transaction, je ne pensais pas devoir mettre en place de procédures particulières, notamment en raison du fait qu’il y a en amont et en aval des gens (notaire, courtiers, banques) plus habilités que moi qui sont censés faire ces contrôles »
La CNS rappelle que les vérifications notariales et bancaires ne sauraient suppléer la vigilance spécifique qui incombe aux professionnels de l’immobilier.
- « Nous ne disposons pas d’un document écrit comportant une méthodologie d’évaluation et de gestion des risques en matière de LCB-FT au sein de notre entreprise. Il n’y a rien de formalisé. ».
La CNS retient que les quatre dossiers examinés, un justificatif d’identité de deux des six parties acquéreurs a été trouvé. Quatre des acquéreurs n’ont donc pas fait l’objet d’une vérification d’identité et en ce qui concerne les vendeurs, dans les quatre dossiers expertisés concernant 7 vendeurs personnes physiques et un vendeur personne morale (SCI), il n’a été trouvé aucune pièce d’identité ni aucun K bis. Selon le gérant « l’identification et la vérification de l’identité des clients est faite pour les personnes, ne serait ce que pour valider nos bons de visites. Cependant, il est vrai que nous ne faisions pas remplir le cerfa 16062*01 aux sociétés. Suite au passage de la D.G.C.C.R.F, nous faisons systématiquement remplir ledit cerfa pour les sociétés »
- LA CNS relève qu’il ressort du contrôle que la société n’avait pas mis en place de fiche « vendeur » permettant de synthétiser toutes les informations relatives à la nature et l’objet de la relation d’affaires. M. Y objecte dans ses observations que « lors de la découverte client, l’objet et la nature de la relation d’affaires sont fondamentaux et donc abordés, cependant je reconnais ma méconnaissance quant à une déclaration pour les ressortissants de pays listés par le GAFI. Je pensais, naïvement, que cela pouvait être considéré comme un acte discriminatoire. ». Selon la CNS il ressort d’un des dossiers examinés (N) que la société ne détenait aucune fiche interne précisant sa situation professionnelle ou encore les raisons de son achat
- Enfin, il ressort du contrôle que M. Y n’avait mis en place aucune action d’information et de formation pour son personnel en vue d’assurer le respect de ses obligations en matière de LCB-FT . Le gérant ayant précisé que « Suite au passage de la D.G.C.C.R.F, une formation a été mise en place pour tous mes collaborateurs sur la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme »
La condamnation est alors lourde puisque la CNS prononce le 9 juin 2022, une interdiction temporaire d’exercer l’activité d’agence immobilière pour une durée de trois mois avec sursis à l’encontre de la SOCIETE X ; accompagnée d’une sanction pécuniaire d’un montant de 2 000 euros à l’encontre de la SOCIETE X.
La même interdiction est prononcée à l’encontre du gérant avec sursis à l’encontre de M. Y à laquelle s’ajoute une sanction pécuniaire d’un montant de 2 000 euros. La CNS ordonne également la publication de la sanction aux frais de la SOCIETE X dans le journal « L’Agence».
Enfin, l’obligation de mise en place de systèmes d’évaluation et de gestion des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme (articles L.561-4-1 et L.561-32 du code monétaire et financier), d’identification et de vérification de l’identité des clients et bénéficiaires effectifs (articles L. 561-5, R. 561-5 à R. 561-11 du code monétaire et financier), de recueillir les informations relatives à la connaissance du client, à l’objet et à la nature de la relation d’affaires (articles L. 561-5-1, L. 561-6 et R. 561- 12 du code monétaire et financier), d’assurer une information régulière de son personnel et la mise en place de toute action de formation utile (article L.561-34 du code monétaire et financier). »