Code de déontologie des professionnels de l’immobilier : la loi ELAN m’a tué !
Fin du code de déontologie : coup de tonnerre sur une des dispositions phares de la loi Alur !
Le projet de loi ELAN présenté la semaine dernière en conseil des ministres propose de supprimer purement et simplement le rôle disciplinaire du Conseil National de la Transaction Immobilière (lire notre article sur ce sujet). Ce rôle disciplinaire, qui était alloué lors de la publication de la loi Alur à une commission de contrôle, n’est repris par aucune instance. Trop cher à mettre en place selon l’étude d’impact du projet de loi ELAN. Les 45 000 titulaires de cartes professionnelles n’auront pas à débourser les 50 € annuels envisagés par la loi Egalité Citoyenneté.
Les intermédiaires de l’immobiliers (agent immobilier, administrateur, syndic) n’auront pas leur “conseil disciplinaire”, au contraire des autres professions réglementées (notaire, avocat, médecin, expert-comptable…). Ils ne risqueront donc plus aucune sanction (blâme, avertissement, interdiction d’exercer…) de la part du CNTGI ou d’une autre structure pour méconnaissances des règles déontologiques (lire notre article sur ce code de déontologie ).
Pas d’obligation sans sanction….
Les sanctions étant supprimées, le code de déontologie devient-il sans objet ? En effet, plus aucune instance administrative ne peut en invoquer sa méconnaissance. La Cour de cassation aurait pu s’en saisir ou y faire référence éventuellement lors de la mise en cause de la responsabilité d’un intermédiaire (agent…). Mais, suivant sa logique, le projet de loi ELAN supprime également du rôle du CNTGI l’édiction des règles déontologiques. Le décret du 28 août 2015 qui a mis en place ce code de déontologie sur avis du CNTGI en vertu de l’article 13-1 de la loi Hoguet va “de facto” être inefficace et sera abrogé, sûrement par le décret d’application envisagé par le projet de loi ELAN.
Le paradoxe, c’est qu’en attendant cette suppression officielle, les agents immobiliers, administrateurs et syndics devront se former obligatoirement pendant deux heures sur ce code de déontologie en vertu de leur obligation de formation continue (en espérant que le décret n° 2016-173 du 18 février 2016 relatif à cette obligation de formation soit également modifié en ce sens). Lire notre article sur la formation obligatoire loi Alur.
Des organismes représentatifs de la profession bien discrets…
Les organismes représentatifs des professionnels de l’immobilier (FNAIM, UNIS…) passent sous silence cette disposition du projet de loi ELAN, mais leur lobbying a été encore plus loin : le projet de la loi ELAN leur redonne la majorité au sein du CNTGI, à côté des représentants des associations de consommateurs, bientôt minoritaires, en supprimant la présence d’un magistrat et la présence des anciens membres de la profession (ayant cessé leur activité depuis deux ans). Utile lorsque l’on sait que le CNTGI doit notamment décider de la compétence (diplôme…) que doivent avoir les salariés ou agents commerciaux habilités (décret d’application de la loi Alur toujours en attente). Mais il est vrai que les conseils de l’ordre des professions réglementées précitées ne sont composés que de leurs pairs.
Ainsi une grande avancée de la loi ALUR, qui avait pourtant été appelé de tous ses vœux par la FNAIM il y a quelques années, risque de disparaître : la profession des intermédiaires de l’immobilier ne sera pas “encadrée” par une structure de type “conseil supérieur” ; aucune règle déontologique ne s’appliquera à l’avenir entre ces professionnels. A moins d’une réaction des députés lors des débats parlementaires…
CET ARTICLE A ETE MIS A JOUR EN AOUT 2019 : Le CNTGI nouveau est arrivé !
Vous trouverez ci dessous le texte de l’étude d’impact du projet de loi ELAN, ainsi que le projet de l’article 53 concernant le CNTGI
Extrait étude d’impact :
ARTICLE 53 – REVOIR LE RÔLE DU CONSEIL NATIONAL DE LA TRANSACTION ET DE LA GESTION IMMOBILIÈRES
- ÉTAT DES LIEUX
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a créé deux organes d’encadrement et de contrôle propres aux professions immobilières relevant de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce : le conseil national de la transaction et de la gestion immobilières et la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières.
Le premier a pour mission de veiller au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités exercées par les professionnels de l’immobilier (agents immobiliers, administrateurs de biens, marchands de listes, syndics de copropriété). Il est également consulté pour avis sur les textes relatifs à l’exercice des métiers de la loi du 2 janvier 1970 susmentionnée.
La seconde avait pour objet de connaître de l’action disciplinaire qui peut être engagée à l’encontre des professionnels de l’immobilier en cas de manquement aux lois, aux règlements et aux obligations fixées par le code de déontologie ou de négligence grave.
Les travaux préparatoires à la rédaction du décret qui devait préciser les modalités de fonctionnement de la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières ont fait apparaître de réels obstacles en matière d’organisation et de financement de cette commission.
Pour y remédier, la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a fusionné ce conseil et cette commission en une seule instance. Cette loi a également élargi la composition de cette instance, l’a dotée de la personnalité morale et a prévu qu’elle serait financée au moyen d’une cotisation acquittée par les professionnels soumis à la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et assise sur un pourcentage de leur chiffre d’affaires.
Le décret n° 2017-1012 du 10 mai 2017 relatif au Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, pris en application de la loi du 27 janvier 2017, qui précise l’organisation, le fonctionnement, le régime budgétaire et comptable, le statut des membres et du personnel du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières et qui définit également la procédure disciplinaire devant la formation restreinte du Conseil national, prévoit une entrée en vigueur du dispositif le 1er juillet 2018.
- NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER ET OBJECTIFS POURSUIVIS
2.1 Nécessite de légiférer
Les premiers travaux engagés pour préparer l’installation du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, au 1er juillet 2018, ont fait apparaître de sérieuses difficultés quant à la mise en œuvre de son financement par les cotisations des professionnels de l’immobilier (agents immobiliers, administrateurs de biens, syndics de copropriété, marchands de listes).
En effet, le montant maximal de la cotisation fixé dans la loi à 50 euros s’avère insuffisant pour assurer l’installation du Conseil, étape très coûteuse, et son fonctionnement dans le cadre de ses missions. En outre, le répertoire des titulaires de la carte professionnelle tenu par CCI France permettant d’appeler les cotisations n’est pas complet à ce jour. Ce dernier est constitué au fur et à mesure du renouvellement des cartes professionnelles auprès des chambres de commerce et d’industrie territoriales et l’ensemble des titulaires de la carte ne sera pas répertorié avant la fin de l’année 2018, de sorte que les cotisations ne pourraient être appelées au mieux avant le début de l’année 2019.
Par ailleurs, la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté ne précise pas la périodicité de la cotisation obligatoire et cette dernière aurait pu être perçue comme devant être appelée une seule et unique fois. Enfin, la loi ne prévoit pas les modalités de règlement et de recouvrement des cotisations ainsi que des sanctions en cas de défaut de paiement, qui auraient permis de prémunir le conseil contre le risque de non-paiement.
Devant les coûts de mise en œuvre du Conseil national dans sa nouvelle forme, apparus excessifs, et la complexité du nouveau dispositif, limites qui n’avaient pas été identifiées auparavant, le projet de loi propose d’en revenir à la structure d’une commission consultative à caractère administratif et de ne plus instituer d’autorité disciplinaire dotée de la personnalité morale.
2.2 Objectifs poursuivis
La mesure proposée a pour objet de maintenir le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières dans son unique rôle d’instance consultative et d’abandonner la fonction disciplinaire initialement envisagée.
- DISPOSITIF RETENU
La présente mesure supprime les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, issues de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, qui font du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières une instance disciplinaire en plus d’une commission à caractère consultatif.
Enfin, par cohérence, elle supprime les références au rôle disciplinaire du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières figurant à l’article L. 615-4-2 du code de la construction et de l’habitation et à l’article 5 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Article 53 du projet de loi ELAN
- – La loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce est ainsi modifiée :
1° L’article 8-3 est ainsi modifié :
- a) Le I est abrogé ;
- b) Au second alinéa, le signe : « II. – » est supprimé et les mots : « au même article » sont remplacés par les mots : « à l’article » ;
2° Le titre II bis est remplacé par les dispositions suivantes :
« TITRE II BIS
« LE CONSEIL NATIONAL DE LA TRANSACTION
ET DE LA GESTION IMMOBILIÈRES
« Art. 13-1. – Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières a pour mission de veiller au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon accomplissement des activités mentionnées à l’article 1er par les personnes mentionnées à ce même article.
« Le conseil fait des propositions au garde des sceaux, ministre de la justice, et aux ministres chargés de la consommation et du logement au sujet des conditions d’accès aux activités mentionnées à l’article 1er et des conditions de leur exercice, s’agissant notamment de :
« 1° La nature de l’obligation d’aptitude professionnelle définie au 1° de l’article 3 ;
« 2° La nature de l’obligation de compétence professionnelle définie à l’article 4 ;
« 3° La nature et les modalités selon lesquelles s’accomplit la formation continue mentionnée à l’article 3-1.
« Le conseil est consulté pour avis sur l’ensemble des projets de textes législatifs ou réglementaires relatifs aux conditions d’accès aux activités mentionnées à l’article 1er et aux conditions de leur exercice.
« Le conseil établit chaque année un rapport d’activité.
« Art. 13-2. – Le conseil est composé majoritairement de représentants des personnes mentionnées à l’article 1er. Ceux-ci sont choisis, en veillant à assurer la représentativité de la profession, sur proposition d’un syndicat professionnel ou d’une union de syndicats professionnels représentatifs des personnes mentionnées à l’article 1er.
« Le conseil comprend également des représentants des associations de défense des consommateurs œuvrant dans le domaine du logement, agréées en application de l’article L. 811-1 du code de la consommation.
« Une personnalité désignée en raison de ses compétences dans le domaine de l’immobilier assure la présidence du conseil.
« Les membres du conseil sont nommés par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et des ministres chargés du logement et de la consommation.
« Assistent de droit aux réunions du conseil les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice, et des ministres chargés du logement et de la consommation.
« Art. 13-3. – Un décret fixe les conditions d’application du présent titre. »
- – Au troisième alinéa de l’article L. 615-4-2 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « et peut donner lieu aux sanctions disciplinaires prévues à l’article 13-4-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce » sont supprimés.
III. – Le dernier alinéa du II de l’article 5 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est supprimé.