Vers une réforme de la loi Hoguet : les professionnels de l’immobilier doivent-ils s’inquiéter ?
L’Autorité de la concurrence a rendu récemment un avis sur la situation concurrentielle du marché de l’entremise immobilière.
Cet avis a été vivement critiqué par l’ensemble des organisations professionnelles et certaines grandes enseignes. Ces derniers n’ont semble-t-il retenu que le reproche fait aux agences de pratiquer des taux de commissions élevées.
Mais le point essentiel est de savoir s’il convient de moderniser la réglementation loi Hoguet applicable aux porteur de carte “T” afin que les agents immobiliers puissent faire face à d’autres professionnels qui exercent une activité très proche de l’entremise immobilière sans avoir l’obligation de détenir une carte professionnelle.
Rappel du contexte de l’avis de l’Autorité de la concurrence :
L’Autorité de la concurrence a été sollicitée par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour donner son avis sur le fonctionnement du marché français de l’entremise immobilière. Après avoir analysé ce marché en France métropolitaine, l’Autorité constate que la loi Hoguet de 1970, qui régit la profession d’agent immobilier, pourrait être simplifiée et assouplie en raison des évolutions du secteur. Cette loi constitue un obstacle à l’offre de services innovants et à la baisse des taux de commission, qui sont en moyenne de 5,78% TTC en 2022, bien au-dessus de la moyenne européenne d’environ 4% TTC. L’Autorité estime qu’en ramenant les taux de commission en France à la moyenne européenne, les ménages pourraient bénéficier d’un gain annuel de près de 3 milliards d’euros.
De plus, la loi Hoguet n’est plus adaptée aux pratiques actuelles, car de nouveaux acteurs non soumis à cette réglementation proposent des services similaires sans augmentation significative des litiges ou des contentieux. En conséquence, l’Autorité formule des recommandations au gouvernement.
Il convient de noter que l’avis de l’Autorité se concentre uniquement sur le marché de l’entremise immobilière en matière de vente de biens à usage d’habitation en France métropolitaine, et n’aborde pas les autres activités d’intermédiation telles que la vente de fonds de commerce, la location ou la gestion immobilière, ou l’activité de syndic.
Depuis l’instauration du cadre légal en 1960, l’objectif était de professionnaliser les acteurs de l’entremise immobilière, de restaurer la confiance des ménages et de les protéger lors de transactions aussi cruciales. La loi Alur en 2014 avait renforcer ce mouvement : formation obligatoire, transparence des prix, création du CNTGI et du code de déontologie…
Concernant l’entremise immobilière, l’autorité de la concurrence constate que :
- Les progrès numériques et les politiques de transparence des données ont réduit l’écart d’information entre les agents immobiliers et leurs clients, en particulier concernant la valeur des biens et l’état du marché (base DVF…).
- Les changements dans le droit de la consommation ont renforcé la protection économique des consommateurs, tandis que le rôle des notaires dans l’authentification des ventes offre une sécurité élevée lors des transactions.
- Malgré la loi Hoguet en place, de nouveaux acteurs ont émergé sur le marché (coach immobilier, plateforme de mise en relation, iBuyer…) sans qu’il y ait eu une augmentation significative des litiges.
Certains acteurs estiment que la loi Hoguet entrave l’innovation et une baisse des taux de commission, tandis que d’autres offrent des services d’aide à la vente directe qui échappent aux mêmes obligations de rémunération, créant ainsi un avantage concurrentiel.
L’Autorité de la concurrence émet donc des recommandations visant à clarifier et assouplir la réglementation encadrant l’entremise immobilière en France, dans le but de favoriser l’innovation, de réduire les taux de commission et de garantir une concurrence équitable sur le marché de l’intermédiation immobilière.
Ces différentes activités “à la marge” de l’entremise immobilière sont abordées lors de notre formation Loi Hoguet.
Nous dispensons des formations à distance en cours collectif (voir notre agenda) ou “à la demande” – formez-vous seul ou à plusieurs à distance au jour et l’heure de votre choix.
Nous pouvons également nous déplacer dans vos locaux sur Paris et en Province. Contactez nous au 06-51-36-82-18 ou 07-68-32-27-67
Les recommandations formulées par l’Autorité concernant la loi Hoguet :
- Les recommandations générales applicables quelle que soit l’option retenue et visant à accroître la protection économique des consommateurs
Recommandation n°1 : Instaurer une obligation de dresser dans le mandat une liste exhaustive des prestations rendues par le professionnel afin que le client puisse détenir une information complète pour négocier les honoraires.
Recommandation n°2 : Uniformiser les règles relatives à l’affichage des annonces, que le paiement des honoraires incombe à l’acheteur ou au vendeur afin d’améliorer la lisibilité de l’information et de limiter les effets de report des honoraires du vendeur vers l’acheteur.
Recommandation n°3 : Soumettre les plateformes de diffusion en ligne des annonces immobilières (Particulier à Particulier, Le bon coin…) aux obligations d’affichage prévues par l’arrêté de 2017 relatif à l’information des consommateurs par les professionnels intervenant dans une transaction immobilière.
Recommandation n°4 : Imposer l’élaboration d’une fiche récapitulative du dossier de diagnostic technique pour faciliter son intelligibilité et sa lisibilité.
Recommandation n°5 : Mettre à la disposition du public à titre gratuit les données immobilières détenues par les notaires sur les prix de vente des biens immobiliers et les commissions perçues par les professionnels de l’entremise immobilière (base biens des notaires qui comprend les commissions des agents)
Recommandation n°6 : Supprimer l’interdiction faite aux notaires négociateurs d’afficher les annonces immobilières dans les vitrines de leur office notarial.
Concernant ces 5 recommandations, elles vont semble-t-il toutes dans le sens d’une amélioration du service du consommateur et n’appellent donc pas à notre sens de commentaires.
- Les deux options d’assouplissement de la loi Hoguet sont quant à elles plus novatrices :
Une première option radicale : l’exclusion du champ d’application de la loi Hoguet de l’activité d’entremise immobilière en matière de vente et location de biens immobiliers et l’insertion d’une disposition dans le code de la consommation prévoyant une obligation de justifier d’une garantie financière en cas de maniement de fonds. La profession d’agent immobilier serait alors complètement “déréglementée” : plus de carte professionnelle, d’assurance spécifique obligatoire, plus de déontologie, plus d’obligation de formation loi alur ni de diplôme minimum, plus d’obligation TRACFIN également.
Ceci constituerait à notre sens un recul par rapport aux avancées de la loi Alur notamment : l’Autorité de la concurrence semble oublier les critiques du grand public à l’époque de cette loi sur le manque de compétences de certains professionnels de la vente immobilière.
Une seconde option s’attache principalement à clarifier le périmètre de la loi Hoguet et simplifier les conditions d’accès à la profession.
- S’agissant de la clarification du périmètre de la loi Hoguet, l’Autorité propose, d’une part, de définir précisément les prestations qui relèvent de la qualification d’entremise immobilière et, d’autre part, de préciser celles qui n’en relèvent pas, sans toutefois que cette liste soit exhaustive. Selon l’Autorité, l’entremise immobilière consiste en la sélection de clients et la négociation du prix de vente. Ainsi, les prestations non constitutives d’entremise immobilière ne seront pas soumises au principe de la rémunération au résultat fixé à l’article 6 de la loi Hoguet. L’agent immobilier serait alors autorisé à facturer dés leur réalisation des prestations annexes à l’entremise : rédaction d’annonces, avis de valeurs, visite, rédaction du compromis…La commission à la vente pourrait être ainsi réduite, mais est-ce que pour autant que le consommateur paiera moins au bout du compte ?
- S’agissant de la simplification des conditions d’accès à la profession, l’Autorité recommande, d’une part, de ne pas conditionner l’obtention de la carte professionnelle à la détention de trois années d’études supérieures au baccalauréat dans une spécialité économique, juridique ou commerciale et, d’autre part, d’assouplir et d’harmoniser la durée de l’expérience professionnelle mentionnée à l’article 14 du décret n°72-678 de juillet 1972 et de la fixer à 4 ans, quel que soit le statut du professionnel concerné (cadre, emploi subordonné ou personne habilitée par un titulaire de carte).
Cette proposition est également un recul par rapport à la loi Alur qui avait prévu d’imposer un diplôme minimum pour être habilité par un porteur de carte (le décret d’application de cette disposition n’est jamais paru du fait d’un désaccord entre les organismes représentatifs des professionnels de l’immobilier).
Par ailleurs, les professions libérales, non soumises à la loi Hoguet mais autorisées à réaliser des activités d’entremise immobilière devront également être soumises au principe de la rémunération au résultat (avocats, experts fonciers et agricoles, experts forestiers, géomètres-experts et notaires). Ces professionnels appliquaient déjà ce principe dan la pratique.
En conclusion, la question de savoir s’il faut assouplir la loi Hoguet qui réglemente l’activité d’agent immobilier est sujette à débat.
Voici quelques arguments en faveur de cet assouplissement :
- Encouragement de l’innovation : L’assouplissement de la loi Hoguet pourrait favoriser l’émergence de nouvelles technologies et de modèles d’affaires innovants dans le secteur immobilier. Cela permettrait aux professionnels de l’entremise immobilière de proposer des services plus efficaces et adaptés aux besoins changeants des clients.
- Baisse des coûts pour les consommateurs : Une réglementation moins contraignante pourrait entraîner une baisse des taux de commission pratiqués par les agents immobiliers. Les consommateurs pourraient ainsi bénéficier de services immobiliers plus abordables, ce qui faciliterait l’accès à la propriété et stimulerait le marché. Mais il faut bien comprendre que
- Adaptation aux pratiques actuelles : La loi Hoguet a été mise en place en 1970, et depuis lors, de nombreux changements ont eu lieu dans le secteur immobilier, notamment l’utilisation croissante de plateformes en ligne et de services numériques. Assouplir la loi permettrait de mieux prendre en compte ces évolutions et de favoriser une concurrence équitable entre les acteurs traditionnels et les nouvelles entreprises.
- Réduction des barrières à l’entrée : Actuellement, seuls environ 20% des professionnels de l’entremise immobilière détiennent une carte professionnelle. Assouplir la réglementation pourrait permettre à un plus grand nombre de professionnels qualifiés de travailler dans le secteur, favorisant ainsi la concurrence et l’innovation.
Cependant, il convient de noter que la réglementation a également pour objectif de protéger les consommateurs en garantissant des pratiques éthiques et professionnelles. Tout assouplissement devrait donc être équilibré pour éviter les abus et préserver la confiance des consommateurs dans le secteur immobilier. Une analyse approfondie des avantages et des inconvénients potentiels est nécessaire avant de prendre une décision sur l’assouplissement de la loi Hoguet. L’exclusion radicale de la loi Hoguet des métiers de la transaction nous parait aller trop loin même avec les garde-fous proposées par l’Autorité de la Concurrence.
La transaction immobilière est un véritable métier qui demande formations et compétences à l’instar du métier d’avocat, d’expert comptable ou de conseillers en gestion de patrimoine. Et, il faudrait peut-être au contraire réglementer l’ensemble des prestataires qui interviennent dans ce domaine de manière marginale (conciergerie, plate-forme d’annonces, coach immobilier…), en instaurant par exemple une obligation de formation continue.
Le lien vers le rapport complet