Petit guide des droits de préemption en matière de vente immobilière
Une fois que le propriétaire vendeur a trouvé son acquéreur se pose la question de savoir si un tiers ne bénéficie pas d’un droit de priorité à l’acquisition?
L’agent immobilier et le notaire doivent veiller à purger ses différents droits sous peine de voir la vente annulée. Conséquence facheuse pour le notaire qui peut donc voir sa responsabilité mise en cause et pour l’agent son droit à honoraires remis en cause.
Nous envisagerons, ici, ceux qui relèvent d’un droit accordé à certaines personnes publiques et ceux accordés aux locataires. Il ne s’agira pas de traiter du cas de l’existence d’un pacte de préférence qui a déjà fait l’objet d’un article sur le site (pacte de préférence) .
1/ Le droit de préemption urbain (DPU) :
Le DPU est une prérogative confiée aux communes ou entités publiques telles que les EPCI par le code de l’urbanisme. L’article L 211-1 prévoit qu’une commune peut, lorsqu’un bien est vendu dans le périmètre qu’elle a défini comme soumis à ce droit, se porter acquéreur en lieu et place de l’acheteur pressenti.
Le titulaire du droit de préemption urbain peut également, déléguer son droit à une société d’économie mixte (SEM), à une entreprise locale pour l’habitat (ESH) ou à un organisme de Maîtrise d’ouvrage d’insertion lorsque l’aliénation porte sur un droit ou un bien affecté au logement, un EPCI ou même à un opérateur privé.
– Le moment et les modalités de la purge du droit de préemption urbain (DPU) :
Si le bien est situé dans un périmètre de droit de préemption urbain, le vendeur une fois l’avant-contrat signé devra via son mandataire, envoyer à la mairie une déclaration d’intention d’aliéner dite « DIA ». Cette DIA va reprendre les termes exacts de l’avant-contrat et la commune aura 2 mois pour se prononcer sur sa volonté d’acquérir ou non le bien.
Cette déclaration (DIA) devra mentionner les conditions de vente (prix et modalités spécifiques s’il y a lieu), l’existence de servitudes ou encore si le bien est vendu occupé ou non.
En principe, c’est le notaire en charge de la vente du bien qui purge ce droit de préemption et est l’interlocuteur des services instructeurs de l’administration.
NDLR : toute condition spécifique de l’avant-contrat devra être reprise dans la DIA pour la rendre opposable au préempteur comme l’existence des honoraires de l’agence immobilière (voir en ce sens l’article sur DPU et agent immobilier).
– La réponse à DIA :
Avant de donner sa réponse à la DIA, le titulaire du droit de préemption urbain peut demander des pièces complémentaires et obtenir un droit de visite depuis la loi ALUR du 24 mars 2014. Cette possibilité permet au préempteur de se faire une idée précise du bien qui lui est offert à l’acquisition.
Attention : Le fait de demander des renseignements complémentaires ou encore un droit de visite allonge le délai d’instruction du dossier.
Les textes prévoient que le titulaire peut répondre à la DIA de différentes manières : soit il garde le silence durant les deux mois qui lui sont accordés, soit il renonce à préempter, soit il peut accepter aux conditions de la DIA ou offrir d’acquérir à un prix qu’il propose et en cas de refus, le prix sera fixé par le juge de l’expropriation.
Pour en savoir plus sur les modalités de purge et d’exercice de ce droit de préemption nous vous invitons à vous inscrire à notre journée de formation : droit de préemption urbain
A côté du droit de préemption urbain il existe d’autres droits de préemption attachés à la qualité de locataire, nous pouvons en dénombrer deux principaux :
Le droit de préemption du locataire d’habitation issu de la loi du 6 juillet 1989 et loi du 31 décembre 1975
Le droit de préemption du locataire commerçant issu de la loi du 18 juin 2014 dite « loi Pinel »
2/ Les droits de préemption des locataires d’habitation :
On distingue 3 principaux types de droit de préemption du locataire en matière de baux d’habitation.
Dans toutes ces hypothèses le bien immobilier doit être proposé à la vente au locataire. Celui-ci a deux mois pour donner sa réponse.
Pour maîtriser les règles relatives à ces droits de préemption des locataires nous vous invitons à vous inscrire à notre journée de formation consacrée à la vente à la découpe et en bloc.
– Le droit de préemption de l’Article 10 de la loi du 31 décembre 1975
Ce droit de priorité à l’acquisition, joue lors de la première vente d’un ou plusieurs locaux à usage d’habitation ou mixte consécutive à la subdivision de tout ou partie d’un immeuble par lots.
De même sont visées les cessions de parts ou actions de sociétés dont l’objet est la division d’un immeuble par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance à temps complet
En revanche, sont exclus les ventes portant sur un bâtiment entier ou sur l’ensemble des locaux d’habitation dudit bâtiment.
Dans tous les cas, le locataire reste en place, son contrat de bail se poursuivant. Il n’y a en effet aucun congé de délivrer mais simplement une offre de vente.
La sanction du non-respect de ce droit de préemption est la nullité de la vente passée en fraude du droit du locataire.
Précaution pratique : Si le locataire refuse, le propriétaire doit à nouveau l’informer s’il décide de vendre à des conditions plus avantageuses. Un nouveau droit de préemption valable un mois s’ouvre à nouveau pour le locataire.
– Le droit de préemption de l’Article 15 II loi du 6 juillet 1989 :
Ce droit de préemption joue lors de la vente d’un local d’habitation ou mixte soumis à la loi du 6 juillet 1989 que l’on souhaite libérer avant la vente.
« II. -Lorsqu’il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit à peine de nullité, »
Le bailleur doit délivrer au locataire par LRAR ou huissier au moins six mois avant l’expiration du bail un congé pour vente en mentionnant le prix et les conditions de la vente. L’offre est valable les deux premiers mois du délai de préavis de six mois.
Si le locataire préempte, le locataire a deux mois pour signer la vente ou quatre mois s’il a recours à un prêt.
Si le locataire ne préempte pas, il devra quitter les lieux au terme du bail, il est déchu de tout droit d’occupation.
Dans le cas où le congé délivré s’avèrerait nul, cela entraîne la nullité de l’offre de vente. Le locataire peut alors rester dans l’appartement et la vente libre ne peut s’effectuer.
A savoir : Le propriétaire doit à nouveau informer son locataire s’il décide de vendre à des conditions plus avantageuses. Un nouveau droit de préemption un mois s’ouvre à nouveau pour lui-même s’il a déjà quitté les lieux.
– Le droit de préemption introduit par la loi Aurillac :
Ce droit de préemption vient s’ajouter au droit de préemption prévu par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975 ainsi qu’au droit de préemption du locataire institué par la Loi du 6 juillet 1989.
Article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975 « I. ― A. ― Préalablement à la conclusion de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de cinq logements au profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours … de l’immeuble ainsi que l’indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu’il occupe. »
Sont ainsi visées les vente de biens à usage d’habitation ou mixte, dans le cas de la vente globale d’un immeuble dans sa totalité et en une seule fois (à un même acquéreur : vente en bloc). Il y aura lieu de purger un tel droit de préemption dans lorsque l’immeuble en question compte plus de 5 logements (depuis la loi ALUR).
Dérogation possible : ce droit de préemption ne s’applique pas lorsque l’acquéreur de l’immeuble s’engage à proroger les contrats de bail en cours à la date de conclusion de la vente.
3/ Le droit de préemption du locataire commerçant :
Issu d’une autre législation, le droit de préemption Pinel joue dans le cas de la vente d’un bien à usage commercial et cela depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014.
La loi Pinel a créé un droit de préférence au profit du locataire commerçant en cas de vente du local à usage commercial ou artisanal dans lequel il exploite son fonds de commerce voir notre analyse parue dans la revue Jurishebdo du 23 juillet 2018.
Article L145-46-1 « Lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d’acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur, d’un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l’acceptation par le locataire de l’offre de vente est subordonnée à l’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. »
Le mécanisme de ce droit de préemption spécifique aux baux commerciaux, connaît les mêmes règles que celle précédemment évoquées.
Concernant son champ d’application, il est réservé à l’hypothèse d’une cession unique d’un local et ne peut donc s’appliquer en cas de cessions de plusieurs locaux commerciaux (distincts ou faisant partie d’un ensemble commercial), ni à la cession globale d’un immeuble comportant des locaux commerciaux. Il n’est pas non plus applicable lorsqu’un copropriétaire d’un ensemble commercial acquiert le local en question.
Pour maîtriser les règles relatives à ce droit de préemption nous vous invitons à vous inscrire à notre journée de formation bail commercial.