Le “double mandat” de vente et de recherche et la réforme du droit des contrats
Après la réforme du droit des contrats, le “double mandat” de vente et de recherche de bien est-il encore permis ? Peut-on percevoir une double rémunération ?
Le 1er octobre 2016, une importante réforme du droit des contrats est entrée en vigueur (Ord. n° 2016-131 du 10 février 2016). Peu d’agents immobiliers le savent mais cette réforme a un impact sur leur activité et notamment la rédaction de leur mandat. En effet, huit nouveaux articles (1153 à 1161 du Code civil) viennent affirmer ou rappeler, dans le régime général du contrat, certaines règles essentielles relatives à la “représentation” d’une partie (le représenté) par une autre (le représentant). Elles viennent compléter les règles applicable au mandat (article 1198 et suivants).
Le mandat de vente ou de recherche d’un bien n’est rien d’autre qu’un contrat de représentation : l’agent immobilier agit au nom et pour le compte de son mandant qu’il représente dans toutes les actions pour lesquelles il a été mandaté.
Le nouvel article 1161 du Code civil dispose :
« Un représentant ne peut agir pour le compte de deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié ».
Ce texte doit permettre d’éviter qu’un représentant, notamment un mandataire se place en situation de conflits d’intérêts.
Le conflit d’intérêts est une situation dans laquelle le titulaire d’un pouvoir, notamment d’un pouvoir de représentation, néglige d’exercer ce pouvoir dans l’intérêt pour lequel il lui a été confié, le plus souvent en exerçant ce pouvoir dans son intérêt personnel ou dans l’intérêt d’un autre qu’il voudrait favoriser ( définition donnée par P.-F. Cuif).
Le nouvel article 1161 du Code civil prévoit la nullité du contrat dans deux situations de conflits d’intérêts auxquelles peut se trouver confronté le titulaire d’un mandat :
– Soit, le représentant utilise le pouvoir pour son propre compte. C’est l‘hypothèse du mandataire qui achète pour lui-même le bien qu’il est chargé de vendre, déjà visée spécialement pour les ventes à l’article 1596 du Code civil (par ex., l’agent immobilier ne peut pas acheter le bien qu’il est chargé de vendre, étant précisé que ce texte interprété largement par les juges ne s’applique pas qu’aux seules situations de représentation mais également au mandat d’entremise).
Dans la lignée de la jurisprudence, l’article 1161 du Code civil reprend la même solution et l’étend à toutes les hypothèses de représentation (légales, conventionnelles, judiciaires ).
Nous reparlerons dans un prochain article de cette interdiction qui connait un assouplissement avec le code de déontologie.
– Soit, le représentant agit pour le compte de deux parties en exerçant un « double mandat ».
La nouvelle règle clarifie l’état du droit. Il y avait, par principe, déjà une certaine défiance des juges à l’égard du mandat double, au moins lorsqu’il était pratiqué sans transparence.
Néanmoins, il a été jugé dernièrement, qu’ un agent immobilier peut détenir le mandat d’un vendeur et celui d’un acquéreur pour une même opération, et peut percevoir ainsi une double commission (Cass. civ. 3ème du 09 avril 2015, n° 14-13.501).
Cette jurisprudence récente pourrait-elle être remise en cause au regard de l’article 1161 du Code civil ?
Le code de déontologie adopté en 2015 (décret n° 2015-1090 du 28 août 2015) prévoit déjà un principe général dans son article 9 :
“Les personnes mentionnées à l’article 1er veillent à ne pas se trouver en conflit d’intérêts avec leurs mandants ou avec les autres parties aux opérations pour lesquelles elles ont été mandatées.”
Mais le code de déontologie ne précise rien sur le double mandat.
L’article 1161 du Code civil est, quant à lui, fondamentalement un texte de lutte contre les conflits d’intérêts ou les oppositions d’intérêts, devant empêcher que le représentant abuse de sa position pour favoriser l’une ou l’autre des parties dont les intérêts sont opposés.
Le texte s’applique sans nul doute lorsqu’un mandataire dispose de pouvoirs donnés par deux personnes différentes dont les intérêts sont opposés, par exemple un candidat à l’achat et un candidat à la vente.
Si, dans ce cas, le mandataire peut fixer le prix ou les conditions de l’opération, comment être certain qu’il ne le fera pas à l’avantage de l’un et au détriment de l’autre ?
L’article 1161 du code civil n’interdit pas la pratique du double mandat.
Ce que le texte prévoit expressément, c’est que le double mandat au profit d’un représentant unique restent envisageables lorsque la situation de conflit d’intérêts a été connue des représentés et qu’ils l’ont acceptée
en toute connaissance de cause, c’est-à-dire qu’ils l’ont
autorisée.
À cet égard, une renonciation générale dans le mandat de vente ou de recherche à la protection de l’article 1161 du Code civil ne visant pas précisément l’hypothèse du double mandat ne semble pas suffisante.
Il faut donc prévoir :
– dans les mandats de recherche, une autorisation expresse à présenter des biens sur lesquels l’agent immobilier aura un mandat de vente,
– dans les mandats de vente, une autorisation express à présenter de futurs acquéreurs avec lesquels un mandat de recherche aura été signé,
Et dans les deux cas, préciser que le mandataire sera autorisé à percevoir deux rémunérations distinctes concernant une même opération.
Ce sujet est abordé en détail (exemple de clauses…) dans les formations suivantes : Formation le mandat et le code de déontologie et la formation sur la loi Hoguet de A à Z